MADEMOISELLE LENORMAND
5,
Rue de Tournon
LA
COMPLICITE DE FOUCHE ET DE MLLE LENORMAND
Fouché
comprit
très tôt l'intérêt qu'il
pouvait tirer des rapports intimes qu'il entretenait avec Mlle
Lenormand.
Aussi, exerça-t-il un chantage permanent sur l'extralucide, grâce
à qui il apprit beaucoup plus de petits secrets sur ses administrés
que des rapports de ses limiers. certains documents tendraient même
à prouver que la voyante et le ministre étaient de mèche
voire complices dans nombre de petites intrigues ourdies dans l'ombre.
Connaissant
l'influence de la voyante
sur Joséphine, Fouché lui aurait dicté plusieurs soi-disant
secrets que l'Impératrice se chargea innocemment de souffler à
l'oreille de son auguste époux! Mlle Lenormand ne se vantera jamais
de cela dans les nombreux ouvrages qu'elle écrira. Même dans
ses fameux "Mémoires historiques et secrets de l'impératrice
Joséphine", parus en 1827 où elle nous dévoile les
mystères de la main de l'Empereur et de l'Impératrice elle
ne parlera guère de ses relations intimes avec le ministre de la
Police.
PROCES ET PRISON
Malgré
toutes ces
hautes
protections, elle connut la prison à plusieurs reprises, d'abord
sous Robespierre, puis fin 1803, lorsqu'elle fut accusée d'avoir
prédit une conspiration. De la prison des Madelonnettes où
elle fut incarcérée, elle adressa au préfet de police,
le premier de l'an 1804, un petit quatrain qu'elle voulut prophétique
et eut pour effet sa libération immédiate:
"Si le préfet voulait, dans ce moment,
Par un bienfait commencer cette année,
Donner congé de mon appartement...
Je lui prédis d'heureuses destinées!"
En
1809, quelques
jours avant la
séparation des époux impériaux, Mlle Lenormand rencontra
secrètement Joséphine malgré l'interdiction de l'Empereur
qui redoutait l'influence de l'extralucide. Il la fit arrêter et
emprisonner et donna l'ordre de ne la relâcher qu'après le
divorce. Le récit de cette arrestation est resté dans les
les annales: "Le 11 décembre 1809, le
commissaire, accompagné de quatre agents de police, perquisitionna
rue de Tournon: il emporta les jeux de cartes, les tarots, les
baguettes,
les cartons, les dossiers et les fiches des clients.
Arrivée
à la
Préfecture
de police, ce fut le préfet en personne qui interrogea la suspecte:
-
Mademoiselle,
vous qui prétendez prédire l'avenir, vous
auriez bien pu prévoir ce qui vous arrive ce matin!
-
Je le savais,
Monsieur le Préfet.
Mon horoscope se trouve dans l'un des cartons que vous avez saisis chez
moi. Vous pouvez vous en assurer.
Le Préfet fit rechercher
le carton en question, brisa les scellés et lut l'horoscope:
l'arrestation
était effectivement décrite sans aucune ambiguïté."
Il est vrai que
cette version, donnée
par Mlle Lenormand dans ses mémoires, plus de 15 ans après
l'événement, ne fut confirmée par aucun témoin.
CENT-JOURS ET LA RESTAURATION
Sous les
Cent-Jours et la Restauration,
le succès de la voyante ne se démentit pas. Le retour des
Emigrés développa encore sa clientèle. La vieille
noblesse royaliste rescapée du naufrage, accourut rue de Tournon
où elle remplaça celle de l'Empire. Talleyrand et Fouché ayant
une fois encore tourné leur veste puisèrent dans ses fichiers
nombre de petits secrets d'alcôve pouvant les aider à gouverner!Avec la
Restauration, la devineresse
étendit son empire, parcourut toute l'Europe non sans connaître
ici et là quelques démêlés avec la justice. En 1818 elle fut arrêtée
en Belgique sous la prévention d'escroquerie. Elle s'en tira à
son honneur avec une modeste amende de 15 F pour exercice du métier
de devin et une renommée intacte. En 1921, à Louvain, on
l'arrêta à nouveau, pour être en possession d'une loupe
magique, d'une flèche des "Abacts" et "autres talismans de
sorcière". L'accusation précisa en outre
que "la susdite demoiselle avait des entretiens particuliers avec un
génie
nommé Ariel".La Cour croyant faire bonne justice
en réprimant ces pratiques de magie, condamna la prévenue
à un an d'emprisonnement, un rude jugement qui fut heureusement
cassé en appel par la Cour suprême de Bruxelles.
LA PLUS GRANDE "VOYANTE" DE TOUS
LES TEMPS
Elle
reprit alors
ses activités
avec un égal succès dans toutes les villes où elle
exerça son art, saluée comme la plus grande "voyante" de
tous les temps. On la retrouve à Vienne,
Genève, Saint-Pétersbourg et Venise. Mlle Lenormand très
sûre d'elle prédit qu'elle vivrait 124 ans et qu'elle mourrait
en l'an de grâce 1896, à l'âge de 124 ans. Mais le ciel
ne tint pas compte de sa prédiction.
Elle
s'éteignit
en toute
simplicité en 1843, à 71 ans, confite en dévotions,
ayant abjuré ses pratiques magiques et reconnu, - abbé Migne
dixit, - la vanité de ses travaux.
Elle
laissa
derrière elle
une oeuvre importante qui comprend, outre les ouvrages déjà
mentionnées, LOracle sybillin, Les Souvenirs prophétiques
d'une Sybille, l'Ange protecteur de la France au tombeau de Louis
XVIII,
Le petit Homme rouge au Château des Tuileries, etc.
Un
neveu,
officier à l'Armée
d'Afrique, hérita de ses biens, estimés au total à
près d'un million de francs.
Sous le Second
Empire, une prophétesse
et grande prêtresse de la Franc-Maçonnerie succéda
à Mlle Lenormand dans cette maison de la rue de Tournon où
mourut, en 1888, le doux poète Charles Cros, inventeur du phonographe.
