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L' HISTOIRE DE MLLE LENORMAND



MADEMOISELLE LENORMAND

5, RUE DE TOURNON

ORACLE DU TOUT-PARIS

Mais elle travaillait pour toutes les bourses, disant la bonne aventure à de simples domestiques, valets, femme de chambres, habilleuses, midinettes ou cousettes, qui payaient vingt sous ses oracles de quatre sous et lui procuraient en échange de cet honneur insigne, des "tuyaux" inestimables sur les grands de ce monde au service desquels ils se trouvaient.

Assise dans un vaste fauteuil, devant un guéridon chargé de jeux de cartes et de lames de tarots, les mains couvertes de bagues, la tête coiffée d'une sorte de turban oriental, la pythonisse rendait ses oracles au Tout-Paris de l'époque.

Un témoin fidèle, l'académicien Etienne de Jouÿ, nous rapporte dans une description colorée, le cérémonial des visites au cabinet de la rue de Tournon:

"Vingt équipages, plus brillants les uns que les autres, stationnaient dans la rue, faisant sa renommée. On était reçu par un valet de pied, à qui l'on donnait son nom. Comme il y avait beaucoup de monde, ce n'était généralement qu'à la deuxième ou la troisième visite qu'on obtenait séance. Pendant ce temps, Mademoiselle Lenormand avait le loisir de prendre quelques renseignements... et de mauvaises langues chuchotaient que sa "police" valait celle de Monsieur Fouché!"

Isidore-Joséphin de la Porte, auteur des curieux "Mémoires d'un valet de chambre fripon" publié sous le manteau en Hollande, vers 1810, avoue avoir été à la fois au service de Joséphine de Beauharnais et de Mlle Lenormand, émargeant à leurs deux bourses, racontant à la seconde les faits et gestes observés dans l'entourage de la première, narrant par le menu les disputes, incidents ou potins, survenus et entendus dans les coulisses de ses maîtres.

UN RESEAU D'ESPIONNAGE

Il nous parle aussi des amants de la grande demoiselle, de ses relations privilégiées avec Fouché, Talleyrand à qui elle fournissait des "demoiselles de bouche" . Il nous dévoile son astucieux système de renseignement qui tissait un véritable réseau d'espions, à travers la capitale: concierges, valets, danseuses, laquais, courtisanes, cochers et grisettes, habilement soudoyés, lui faisaient parvenir au jour le jour des rapports confidentiels venant étayer et conforter ses "voyances".

Mlle Lenormand était certainement, avec Fouché, la personne la mieux informée de Paris.

Un rapport de police (datant du 6 vendémiaire an XIII) nous dit que: "Mlle Lenormand, se disant cousine de Charlotte Corday, habitant rue de Tournon, tenant un bureau d'écrivain public pour couvrir ses manoeuvres, fait métier de tireuse de cartes. 

Les imbéciles de première classe (sic) vont la consulter en voiture; les femmes surtout y affluent. J'ai entendu faire des plaintes en escroquerie à son sujet: on assure que la femme du premier capitaine de la gendarmerie d'élite y a été "faite" de plus de 4000 francs depuis dix-huit mois; cette femme faisait tellement de dettes à l'insu de son mari qu'elle est morte de chagrin en quatre jours. On a porté plainte au général Savary."

ROBESPIERRE, MARAT, SAINT-JUST

Dans ses mémoires, qui ne comportent pas moins de trois volumes, Mlle Lenormand rapporte elle aussi quelques piquantes anecdotes sur tous ces grands hommes qui terrorisaient la France et venaient, humbles et tremblants entendre les sentances prophétiques qu'elle leur distillait au compte-gouttes devant son guéridon. Du terrible Robespierre, elle dit par exemple: "J'ai vu de bien près le farouche Maximilien et j'ai pu le juger, livré à lui-même.

C'était un homme sans caractère. Superstitieux à l'excès, il se croyait envoyé par le Ciel pour coopérer à une entière régénération de la société. Je l'ai vu, en me consultant, fermer les yeux pour toucher les cartes, frissonner même à la vue d'un neuf de pique... J'ai fait trembler ce monstre, mais peu s'en fallut que je ne devinsse sa victime..."

En effet, elle fut emprisonnée par lui durant quelques jours. Selon ses dires, elle aurait prédit à Marat, Robespierre et Saint-Just qu'ils mourraient de mort violente, mais l'Abbé Migne qui semble bien informé, prétend que tous ses récits ne sont qu'affabulation, écrits après coup pour les besoins de la cause.

Ce qui reste établi c'est qu'elle reçut à son cabinet tous les grands révolutionnaires, qu'elle conseilla Fouché, Barras, Mme de Staël, Talleyrand et Talma, que Joséphine et Napoléon Bonaparte la consultèrent à plusieurs reprises.

JOSEPHINE DE BEAUHARNAIS

La Duchesse d'Abrantès dans ses mémoires, le confirme:

"On connaît le goût ou plutôt la passion insensée de Joséphine pour les tireuses de cartes. Napoléon s'en est d'abord amusé, puis moqué et enfin il avait compris que rien n'était plus en opposition avec la majesté que ces petitesses d'esprit et de jugement des êtres si bas et si vils que vous rougissez de les admettre dans votre salon, même pour n'y faire que leur métier. Mais Joséphine, tout en promettant de ne plus faire venir Mlle Lenormand, l'admettait toujours chez elle, dans son intimité, et la comblait de présents."

La voyante, affirmait que dans l'intimité, Napoléon ne se moquait pas du tout des arts divinatoires. Il lui arrivait même de pratiquer l'astrologie de salon ou la chiromancie:

Regardant un jour la main de Talleyrand, Napoléon se serait exclamé le plus sérieusement du monde: "Mon génie étonné tremble devant le sien!" Il est vrai que cette phrase fut si souvent attribuée à de grands personnages qu'il est de fortes chances qu'elle soit apocryphe! 

La devineresse poursuit: "La veille d'une bataille, il cherchait à découvrir la marche des planètes dans le ciel; nouveau Mahomet, il prétendait y lire l'issue des combats."

NAPOLEON

Un de nos correspondants - voir nos témoignages sur les porte-bonheur - nous rapporte que Napoléon, très superstitieux, se méfiait du chiffre 13 comme de la peste. On prétend qu'il retarda son coup d'Etat prévu pour le 17 Brumaire, quand il se rendit compte que ce jour coïncidait avec un vendredi 13 dans le calendrier grégorien. A ceux qui ironisaient devant lui de cette pusillanimité superstitieuse, il rétorquait: "Je n'aime pas les esprits forts, il n'y a que les sots qui défient l'inconnu!"

Dans une lettre, Las Cases affirme que Napoléon aurait rendu un hommage tardif à la perspicacité de la voyante, en lui confiant que: "Elle m'a fait le dessin de cette île sur la boiserie d'un appartement qui doit encore exister à Paris, rue de Tournon; elle m'a décrit Longwood et montré Hudson Lowe... Je savais tout cela étant encore au faîte de la puissance, mais je n'y attachai nullement foi."


                                                                                                                                                                                                         SUITE...
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